Amours, délices et orgues
Le samedi 19 septembre 2009, nous avons inauguré et béni les grandes orgues de Longpont. Chacun est libre de ne pas apprécier le son des longs tuyaux. Ce petit événement est pourtant extraordinaire. Cela se passe à la basilique et cette église est un peu notre grande maison à tous puisque c’est la maison de la Vierge Marie. Chacun dans la paroisse ou le diocèse s’y sent un peu chez lui. Quelles que soient ses convictions, chacun apprécie ici la précieuse atmosphère de silence.
Bénir un orgue, entièrement neuf, est aussi une belle parabole... Un orgue c’est un peu comme une communauté humaine, c’est une communauté de tuyaux, de notes, de personnalités. Chacun sonne à sa façon suivant ce qu’il est. Chacun a une place, le petit comme le grand. Tout le monde est important. Tout le monde est nécessaire.
Un tuyau tout seul, c’est un peu comme un humain : seul, même s’il sonne juste, il ne peut pas grand chose. Un tuyau tout seul ce n’est rien d’autre qu’un gros sifflet qui devient vite énervant. C’est aussi quand il sonne avec les autres que l’on se rend compte combien un tuyau peut être mal accordé. Quand on vit avec les autres, il faut sans cesse s’ajuster, c’est à dire se parler, s’expliquer, s’écouter.
Un orgue, quand il est à peu près accordé, c’est comme une communauté chrétienne, c’est capable d’accompagner toute la gamme des sentiments et des réalités humaines : la joie, la peine, l’espérance, le ravissement, la prière et même la fête la plus baroque. Un orgue, c’est comme l’Eglise, corps du Christ, ça ne joue pas pour soi-même mais pour le monde.
Je crois que nous pouvons tous demander, pour l’assemblée variée que nous formons, d’avoir le courage de nous ajuster. Notre souffle vital, les riches trésors de nos personnalités seront aussi bénis, c’est à dire habités, relayés, surpassés par le souffle de Dieu qui est l’Esprit d’amour.
L’orgue est un instrument démocratique. Il n’est pas le produit d’une « élite bourgeoise ». Il est fait pour tous. Tout le monde pourra l’écouter, le paroissien assidu, le pèlerin des grands rassemblements, le promeneur du dimanche et, bien sûr, les mélomanes habitués des concerts. On le jouera au fil des dimanches, pour les mariages des beaux jours et aux obsèques de l’indigent.
L’orgue est un instrument digne du développement durable. Un orgue bien entretenu peut vivre 300 ans. Il a fallu beaucoup de temps et de compétence pour construire le bel instrument de Longpont. Il a fallu aussi le soutien financier des collectivités locales et des donateurs. Nous avons conscience d’avoir participé à une belle oeuvre commune faite pour durer. Nous aurons été un maillon dans cette chaîne de la transmission du patrimoine vivant.
Et puis l’orgue est un instrument subtil. La même mélodie ne signifie pas la même chose suivant les registres que l’on utilise. La cromorne n’est pas le prestant. Le cornet n’est pas la voix céleste. Dans sa force, l’orgue nous rappelle les subtilités du langage humain. Il n’y a pas seulement ce que l’on dit, il y a le ton, la façon, et le moment de le dire. On ne crie pas des choses confidentielles. On ne murmure pas ce qui doit être proclamé.
Merci à toi, l’orgue, d’être là désormais ! Bon vent et bienvenue à Longpont
Père Frédéric Gatineau,
ancien recteur de la Basilique de Longpont